Méthodologie du cas pratique

Le cas pratique est un exercice souvent apprécié par les étudiants en droit car le formalisme y est réduit et il apparaît comme l’exercice se rapprochant le plus du travail de l’avocat, profession à laquelle la plupart d’entre eux se destine. L’énoncé est en effet généralement présenté sous la forme d’une consultation : le client expose les faits et l’avocat (dont le rôle est joué par l’étudiant) doit en faire une analyse juridique pour pouvoir conseiller son client.

Malheureusement les apparences peuvent être trompeuses, le cas pratique place plus souvent l’étudiant dans la peau du juge que de l’avocat. Alors que l’avocat devra défendre son client même si celui-ci est en tort, les argumentations juridiques audacieuses seront rarement récompensées dans le cadre d’un cas pratique. Il est au contraire, dans la quasi-totalité des cas, attendu de l’étudiant qu’il donne la solution et ses fondements apparaissant objectivement comme les plus probables en l’état actuel du droit positif. Autrement dit, il faut se demander quelle serait la solution retenue si un juge était saisi du litige. Or la tâche est bien délicate, parce que de nombreuses questions relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond et parce que l’état du droit positif n’est pas toujours noir ou blanc mais parfois gris, faisant l’objet de plusieurs interprétations par la doctrine, voire de divergences au sein de la jurisprudence. Dans ce dernier cas, l’étudiant devra retenir l’interprétation majoritaire ou, à défaut, faire état du conflit doctrinal ou jurisprudentiel. Quant à savoir quelle est l’interprétation majoritaire, cela est parfois sujet à… interprétation !

La deuxième difficulté du cas pratique concerne la circonscription du sujet : savoir ce que le rédacteur du sujet – ou, plus précisément, le rédacteur du corrigé et de son barème – attend de l’étudiant. Le cas pratique est en effet le seul exercice qui se prête à l’application d’un barème relativement précis. Si le rédacteur du cas pratique estime que le sujet n’appelle pas tel ou tel développement, ils ne seront pas intégrés dans le barème et n’apporteront par conséquent aucun point à l’étudiant ayant pris le temps d’aborder ces questions. A contrario, si l’étudiant évince une question qui lui parait secondaire alors qu’elle paraissait importante au rédacteur du sujet, il perdra des points. Ainsi, bien souvent, l’originalité ne paie pas dans un cas pratique, alors qu’elle est en principe valorisée dans une dissertation ou un commentaire d’arrêt.

La résolution du cas passera donc nécessairement par l’exégèse de l’énoncé qui relèvera parfois de l’art divinatoire. Il faut relever les éléments du sujet qui invitent à s’interroger sur une question particulière et ne pas hésiter à envisager plusieurs réponses à cette question en fonction des diverses hypothèses possibles, mais il faut veiller à ne pas trop s’éloigner des données de l’énoncé. Par exemple, dans le cadre d’un divorce pour faute, s’il est indiqué que l’époux a appris l’adultère de son épouse en découvrant son journal intime, il est évident qu’il faudra s’interroger sur la possibilité de produire le journal intime comme preuve, le principe du droit au respect de la vie privée pouvant sembler s’y opposer. S’il n’est pas précisé comment l’époux s’est procuré ce journal intime, il faudra alors envisager toutes les hypothèses possibles : en l’espèce, le journal a pu être acquis par fraude ou violence, ou non. Il ne faut donc pas être obnubilé par la question principale, à savoir les conditions de fond du divorce pour faute, en occultant la question secondaire de la preuve de cet adultère qui est en réalité aussi importante (idem est non esse et non probari). En revanche, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse consistant à envisager des hypothèses que rien dans l’énoncé ne suggère. Par exemple, si rien ne permet de penser dans l’énoncé que l’époux soit lui aussi fautif, il n’y a pas lieu d’envisager l’hypothèse d’un divorce pour faute prononcé aux torts partagés.

L’enjeu de la circonscription du sujet peut donc être résumé ainsi : si des questions soulevées par l’énoncé sont occultées, l’étudiant perdra des points ; si l’étudiant s’attarde sur des hypothèses qui s’éloignent trop de l’énoncé, il ne perdra en principe aucun point mais perdra du temps, ce qui l’empêchera en général de traiter toutes les questions qui étaient réellement soulevées par l’énoncé. La problématique du temps ne se pose pas dans le cas d’un devoir maison, mais développer trop de questions qui s’éloignent trop du sujet peut finir par agacer le correcteur et entrainer une perte de points. En revanche, il est fréquent que les cas pratiques donnés dans le cadre d’un examen contiennent un nombre important de questions à traiter en un laps de temps très restreint, il est alors crucial de ne pas s’égarer dans des développements que l’énoncé n’appelait pas.

On n’insistera donc jamais assez sur la nécessité de lire attentivement l’énoncé au moins deux ou trois fois avant de se lancer dans la résolution du cas afin de dégager toutes les questions de droit soulevées par l’énoncé, et seulement celles-ci. Je précise à cet égard qu’une question ne doit pas être expressément posée dans l’énoncé pour être soulevée par ce dernier : il arrive même que l’énoncé ne contienne aucune question ou se termine par une question ouverte du type « qu’en pensez-vous ? ». Au mieux, l’énoncé ne contiendra qu’une série de questions factuelles du type « M. Dupont peut-il obtenir la résolution du contrat ? Peut-il obtenir des dommages-intérêts ? », c’est donc quoi qu’il arrive à l’étudiant de dégager les questions de droit du cas pratique.

Quant à la forme, le cas pratique est un exercice moins formel que le commentaire d’arrêt ou la dissertation, mais c’est autant un avantage qu’un inconvénient car il est de ce fait délicat de répondre à la question suivante : quelle forme adopter ? Le formalisme est souple, cela ne veut pas dire qu’il est inexistant. La forme que je vais vous proposer est loin d’être la seule viable ou de faire l’unanimité, elle permet cependant à mon sens d’intégrer tous les éléments attendus dans un cas pratique sans se répéter : un résumé des faits, une problématique, les règles de droit applicables, et la solution, étant entendu que l’ensemble doit en principe toujours être présenté sous la forme d’un syllogisme (mineure, majeure et conclusion).

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Liste des abréviations des principales références juridiques

Nouveau billet méthodologique à destination des étudiants en droit : comment faire référence à un texte juridique dans un écrit ? Chaque maison d’édition avait ses propres règles d’abréviation jusqu’à ce que le groupe Droit du Syndicat national de l’édition décide, en 1990, d’éditer un « code des abréviations juridiques » ayant pour objet d’uniformiser les références juridiques. Ce code est devenu un standard de facto. Les conventions typographiques qu’il définit sont en effet suivies par la plupart des auteurs et doivent donc idéalement être suivies par les étudiants en droit.

La dernière mise à jour de cette liste d’abréviations remonte à 2004. La liste était accessible au format PDF sur le site du SNE, ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui, c’est pourquoi j’ai décidé de la  recopier ci-dessous. Pour naviguer plus facilement parmi les quelques sept cents abréviations que contient cette liste, vous pouvez utiliser la fonction « Rechercher » de votre navigateur, accessible via la combinaison des touches « contrôle » et « F » (Ctrl + F).

Ces abréviations seules ne sont pas très utiles si on ne sait comment les utiliser pour faire référence à un texte juridique (que mettre en italique, que mettre entre guillemets, comment indiquer la ou les pages, etc). Je rédigerai un autre billet sur ces questions.

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